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La Tablée des Chefs, l’association des chefs engagés

#Bonnes Pratiques

Quotidiennement confronté au problème du gaspillage alimentaire dans le cadre de son travail en hôtellerie-restauration, Jean-François Archambault décide de récupérer les surplus alimentaires des professionnels du secteur pour les redistribuer aux associations et ainsi lutter contre la faim. Ce projet prend forme en 2002 au Québec et devient La Tablée des Chefs. Dix ans plus tard, Vincent Brassart fait le même constat en France : « Des centaines de plats chauds ont dû être jetés à cause d’un problème de timing lors d’un grand dîner de 600 personnes à l’Opéra Garnier. Ce jour-là, je me suis promis d’agir pour que cela ne se reproduise plus ». Après quelques recherches et une rencontre décisive avec Jean-François Archambault en 2012, il lance une franchise sociale de La Tablée des Chefs dans l’hexagone. Peu à peu, la structure grandit et met en place différentes actions, qui se déclinent autour de deux grandes missions : nourrir les personnes dans le besoin et développer l’éducation culinaire des jeunes.

Sur le volet « Nourrir », Vincent et son équipe se sont essentiellement concentrés sur l’organisation des défis solidaires « Mets ta toque » auprès des entreprises. Ces ateliers de cohésion d’équipe consistent à cuisiner à plusieurs des repas pour des personnes en situation d’extrême précarité. Certains ateliers se sont d’ailleurs déroulés dans la cuisine professionnelle de Smart Food Paris

Dans le cadre de cette mission, La Tablée des Chefs organise également la semaine des écoles hôtelières, un événement qui se déroule chaque année au mois de mars et où des jeunes lycéens cuisinent pour l’aide alimentaire. Pour Vincent, ce moment de transmission et de partage, est aussi l’opportunité d’expliquer à de jeunes professionnels qu’ils auront un rôle éminent à jouer dans la transition sociale et environnementale : « Nous leur faisons comprendre que la carte de leur futur restaurant sera la caisse de résonance des bonnes pratiques. Proposer des produits locaux et de saison ou moins de produits carnés dans les restaurants, cela ne peut qu’inspirer la cuisine familiale. Les cuisiniers ont donc une vraie carte à jouer, en ramenant de la diversité dans les assiettes et en promouvant une cuisine de bon sens. Et, lorsque l’on dit à ces jeunes qu’ils seront des acteurs importants dans la construction de la société de demain, je les vois, ils gonflent le torse, ils ont les yeux qui brillent, c’est très valorisant pour leur métier et je trouve cela vraiment chouette ».Vincent souligne également l’importance de raccourcir les circuits de distribution pour un accès plus rapide des consommateurs aux produits bruts: « Si nous schématisons la chaîne alimentaire, nous avons 4 grands acteurs : les producteurs, les transformateurs, les distributeurs puis les consommateurs. Et c’est en grande partie par les deux acteurs du milieu que provient le gaspillage, car leurs cahiers des charges sont trop stricts en termes de qualité et de sécurité. Ces dernières années, on a grossi le trait sur les dangers sanitaires d’une alimentation qui ne serait pas normée et on a ainsi éloigné le consommateur d’une alimentation brute. Or c’est justement cette alimentation de producteurs que nous souhaitons aujourd’hui retrouver ».

C’est pourquoi, à l’image des chefs Régis Marcon ou Olivier Roellinger, Vincent prône le retour à une éducation culinaire dans les écoles, pour promouvoir une alimentation saine et durable. L’équipe de La Tablée des Chefs déploie d’ailleurs une grande partie de son énergie à cette mission d’éduquer les jeunes générations. Elle a notamment mis en place « Les Brigades Culinaires », un programme d’ateliers à destination des collèges en réseaux d’éducation prioritaire ou des structures accueillant des élèves en échec scolaire. Chaque année, une dizaine de cours de cuisine leur sont proposés autour de différentes thématiques, comme la pêche durable ou le gaspillage alimentaire, avec à l’issue un grand défi, où les élèves s’affrontent en brigades, dans de véritables conditions d’examen. « Ces ateliers les aideront plus tard, dans leur vie scolaire comme professionnelle, car ils apprennent à travailler en équipe, à s’organiser et présenter leur projet, donc c’est très enrichissant pour eux». A long terme, leur objectif est d’avoir le même impact qu’au Québec, où 170 collèges participent chaque année à ce programme de brigades culinaires. « Le succès de la Tablée des Chefs au Canada est incroyable, c’est l’équivalent des Restos du Cœur en France ; ils ont le vent dans les voiles et il y a une vraie volonté de leur côté de nous en faire profiter ».

En France, l’association organise également plusieurs fois par an des ateliers de cuisine dans les maisons d’enfants à caractère social (MECS) et s’engage à travers diverses actions. Elle s’est par exemple associée à « Fête le mur », une association d’éducation et d’insertion par le sport qui œuvre dans les quartiers prioritaires. La Tablée des Chefs intervient lors de stages de tennis organisés au cours des vacances scolaires : « Les enfants cuisinent avec nos chefs le matin et nous essayons, à travers la préparation des repas, de leur transmettre un message, celui de manger plus sainement ». Enfin, « nous participons à des événements grand public autour de la gastronomie et du bien-manger pour nous faire connaître et nous organisons des levées de fonds pour faire vivre l’association, comme le grand dîner de gala annuel ».

Si La Tablée des Chefs est soutenue par différentes institutions publiques pour les actions qu’elle mène sur le territoire ainsi que par quelques grandes entreprises ou leurs fondations, elle a à cœur d’entériner de nouveaux partenariats pour renforcer son assise financière. La crise a été particulièrement préjudiciable pour l’association : « Du jour au lendemain, nous avons été contraints de mettre en pause nos différentes activités. Avec la fermeture des établissements scolaires et des entreprises, nous avons tout d’abord dû arrêter nos ateliers éducatifs ou de team building, puis nous avons dû faire une croix sur la levée de fonds organisée dans le cadre du mois solidaire avec les restaurateurs, tout comme le grand dîner de 200 personnes en Vendée aux bénéfices de la Tablée des Chefs ». Toutefois, cette période difficile leur a permis d’initier d’autres projets tels que la création d’ateliers de cuisine en visioconférence pour les jeunes en foyer ou le lancement des Cuisines Solidaires pour gérer les surplus des grossistes de l’hôtellerie-restauration pendant le confinement« J’ai été sollicité par plusieurs fournisseurs qui se sont par exemple retrouvés avec 800 kilos de mozzarella ou 12 palettes de crevettes roses sur les bras et qui ne pouvaient malheureusement pas redistribuer ces produits bruts aux associations car conditionnés en trop grandes quantités ». Avec l’aide d’un de leurs partenaires, Vincent et son équipe ont monté un collectif de chefs pour cuisiner les surplus récupérés puis distribuer les repas préparés à des associations d’aide alimentaire. Durant 5 semaines, 35 chefs (étoilés, Bocuse d’Or, meilleurs ouvriers de France ou bloggeurs) se sont relayés pour cuisiner plus de 20 000 repas. Des collectifs de producteurs engagés, comme Demain la Terre, ont également rejoint le mouvement, leur permettant d’écouler leurs productions de fruits et légumes. Au total, 14 associations ont pu bénéficier de cette initiative solidaire. « Nous avons essayé de diversifier les bénéficiaires et nous avons notamment privilégié les petites structures telles que La Chorba, le Secours Islamique, Les Petits frères des pauvres ou encore Amitiés Villette » confie Vincent. L’association aimerait aussi porter de nouveaux projets comme la création d’une réserve culinaire à l’image des réserves civile et sanitaire qui existent aujourd’hui. « En cas de catastrophe naturelle ou de nouvelle pandémie, cette réserve pourrait être mobilisée dans des délais très courts pour préparer, avec l’aide de chefs engagés dans notre réseau, de bons petits plats, et ainsi apporter un peu de réconfort aux victimes mais aussi aux pompiers ou aux soignants qui interviennent sur place ».

 

Bandeau Portrait Food

Quel serait votre portrait food ? Si vous étiez un plat ? un ustensile ? une épice ?

Si nous étions un plat, nous serions un mets avec une multitude d’ingrédients, comme une belle paella, avec du riz, des épices et des produits de la mer. Nous serions un plat copieux et de partage, qui se met au milieu de la table.

Si nous étions un ustensile, nous serions une mandoline, car nous essayons de produire une jolie musique à travers notre association et, en cuisine, il est possible de faire de très beaux plats avec une mandoline.

Si nous étions une épice, nous serions du safran, car c’est la star des épices selon moi.

Quelle est votre recette fétiche ?

La bouillabaisse, j’adore les produits de la mer !

Auriez-vous un restaurant ou une pâtisserie à nous conseiller ?

Fleur de Pavé, c’est le dernier restaurant où je suis allé et la cuisine y est parfaitement maîtrisée ! Il a ouvert il y a un peu plus d’un an, dans le 2e arrondissement à Paris (5 Rue Paul Lelong). Ensuite, il y a un pâtissier que j’aime beaucoup c’est Jacques Genin, notamment pour ses chocolats, mais aussi Nina Metayer qui va ouvrir très prochainement une pâtisserie à Paris.

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