Publié le :

L’innovation en réponse à la dénutrition de nos ainés

#Bonnes Pratiques

Malheureusement, la dénutrition des personnes âgées est plus que jamais un enjeu de santé publique qui doit être assumé. Plus de 50% des séniors vivant à domicile et étant en situation de dépendance culinaire (lorsque la personne délègue tout ou une partie de ses courses et/ou la préparation des repas) seraient en état de dénutrition. Ce chiffre varie même entre 50 et 70% pour les personnes en EPHAD ou hospitalisées.

Malheureusement, la dénutrition des personnes âgées est plus que jamais un enjeu de santé publique qui doit être assumé. Plus de 50% des séniors vivant à domicile et étant en situation de dépendance culinaire (lorsque la personne délègue tout ou une partie de ses courses et/ou la préparation des repas) seraient en état de dénutrition. Ce chiffre varie même entre 50 et 70% pour les personnes en EPHAD ou hospitalisées[1].

A l’horizon 2030, un quart de la population aura plus de 65 ans en France, soit plus de 15 millions de personnes (dont 77 000 dépendantes)[2] pouvant faire face à des problèmes de dénutritions. La population des séniors étant très hétérogène, les enjeux pour lutter contre ce phénomène sont variés. Dans un premier temps, c’est la gamme des produits proposés qui est encore trop peu adaptée aux besoins spécifiques en termes de santé et d’apport nutritionnel. La perte du gout, de l’odorat ou tout simplement du plaisir de manger a aussi un impact majeur sur les habitudes alimentaires. Ensuite, les difficultés rencontrées pour se déplacer et l’isolement physique privent certains d’un accès régulier à une alimentation saine, variée et adaptée. Enfin, il semble aussi important de repenser les usages alimentaires pour favoriser la prévention des risques tout en s’adaptant aux personnes et en évitant l’infantilisation de cette population.

 

Alors que la France traverse un énième été caniculaire (le plus chaud enregistré depuis 2003) et que de nombreux spécialistes affirment que ces phénomènes seront de plus en plus fréquents à l’avenir, c’est bien la santé de nos ainés qui est directement impactée par ces bouleversements climatiques. En effet, les fortes chaleurs provoquent rapidement de la déshydratation. Avec l’âge, le corps fait moins de réserves d’eau et transpire moins. Les seniors ont donc plus de mal à détecter un manque d’eau et maintenir leur température normale de 37 degrés. C’est en partie la cause qui, au cours de l’été 2003, a emporté plus de 19 000 de nos ainés en seulement 3 mois[3].

Veiller à la bonne hydratation quotidienne est donc primordiale mais cela passe principalement par une alimentation suffisante et adaptée aux besoins spécifiques des personnes. La dénutrition correspond à une diminution des apports alimentaires, pouvant provoquer des carences multiples et une détérioration de la santé. La perte de poids est le symptôme le plus reconnaissable de la dénutrition des personnes âgées. Un amaigrissement de 5 % du poids en un mois ou de 10 % en six mois signale une dénutrition. L’altération du goût ou de l’odorat, les problèmes digestifs, gastriques et bucco-dentaires, la polymédication, la dépression, le manque d’activité physique ou encore les préjugés sur l’alimentation des séniors sont autant de facteurs, qui combinés, peuvent favoriser l’apparition d’une situation de dénutrition de certaines personnes âgées[4]. Ces nombreux signent sont donc à connaitre et à surveiller, que ce soit pour sa santé ou celle d’un proche.

L’objectif étant de développer de nouveaux produits et usages qui tiennent compte des besoins nutritionnels mais aussi des attentes en termes d’alimentation de chacun. Chaque senior a des spécificités et des fragilités à prendre en compte. Une personne diabétique n’aura pas la même alimentation qu’une personne atteinte de la maladie de Crohn et celle-ci sera encore différente pour quelqu’un souffrant d’un glaucome. Tendre vers une personnalisation et une adaptation des services et des produits est une nécessité si l’on veut préserver autant que possible la santé de nos aînés.

 

 

Dès lors, comment faciliter la détection des signaux faibles pouvant amener à une dénutrition ? Connaitre les signes avant-coureurs évoqués plus haut est une première étape (perte de poids, problème bucco-dentaire, fatigue chronique, difficulté pour accomplir des tâches du quotidien…) mais pour aller plus loin, certaines startups ont développé des dispositifs permettant de prévenir et de surveiller les carences alimentaires de chacun. En fonction des spécificités des individus, des startups comme Viome ou encore Everlywell proposent des tests personnalisés, à faire à la maison, permettant d’analyser les besoins alimentaires de chacun. Grâce à une collecte d’échantillon de sang à faire sur le doigt, vous recevrez en quelques jours des résultats sur vos potentielles carences et des indications précisent sur les aliments et les suppléments à privilégier pour les corriger. Pour aller plus loin, vous aurez également la possibilité de vous faire accompagner par un diététicien certifié. Avec une dernière levée de fond de 54 millions de dollars l’année dernière, la startup Viome apporte aujourd’hui son expertise auprès de 400 000 personnes à travers plusieurs pays. Mais il y a également d’autres solutions moins invasives pour prévenir une dénutrition. Domo Health a notamment développé des capteurs à installer dans le domicile du sénior. Ces derniers mesurent les différents paramètres ambiants du logement : sommeil, hygiène, mobilité mais surtout nutrition. En effet, un capteur placé dans la cuisine permet de surveiller si la personne s’alimente régulièrement et convenablement par rapport à ses besoins nutritionnels. La startup lausannoise équipe aujourd’hui plusieurs milliers de logements en Suisse mais aussi en France.

 

Concentrons-nous désormais sur un second axe de développement qui est l’aspect nutritionnel. Un senior peut aujourd’hui trouver certains produits pour compenser ses carences ou ses besoins journaliers mais ceux-ci sont malheureusement peu variés et, que ce soit en ligne ou en grande surface, parfois même difficile à trouver. Il est donc nécessaire de repenser davantage les produits du quotidien pour les rendre plus sains et adaptés aux besoins variés du public sénior. Pour certains d’entre eux, manger est devenu une véritable épreuve. L’enjeu, selon Nutrisens (groupe agroalimentaire spécialiste de la nutrition santé), est de redonner le goût de manger aux personnes fragiles ou souhaitant mieux vivre leur quotidien grâce à des solutions nutritionnelles adaptées aux besoins quotidiens. Pour se faire, il existe par exemple le pain G-Nutrition : le premier complément nutritionnel oral (CNO) sous forme de pain brioché destiné à combler les déficits et carences chez les personnes âgées. Mis au point en Bourgogne-Franche-Compté, ce petit pain a rejoint en 2018 la liste des produits remboursables par la sécurité sociale. Nutrisens propose d’ailleurs de nombreux autres produits adaptés aux spécificités alimentaires des séniors, que ce soit pour les particuliers, les professionnels de la santé et même le secteur de la restauration. De son côté, Nutri’Earth propose une gamme de produits alimentaires à base de farines d’insectes visant à enrichir en nutriment les préparations culinaires du quotidien. Lauréat du prix BPI France des Silver Surfer 2019, la startup lilloise s’adresse notamment aux EPHAD et aux centres hospitaliers. Enfin, les grandes enseignes alimentaires traditionnelles évoluent également en ce sens ; on retrouve par exemple le steak « petit appétit » de CHARAL, les purées enrichies de BONDUELLE et DAUCY, les galettes gourmandes de PROTIBIS ou encore les boissons nutritives Resource de NESTLE.

Des nouveaux produits alimentaires qui doivent également tenir compte d’un facteur clé : le plaisir. En effet, le vieillissement s’accompagne de nombreux bouleversements sensoriels et psychologiques qui impactent nettement les sensations ressenties lors des repas. En effet, la diminution du volume d’eau dans l’organisme, l’augmentation du tissu adipeux et le dérèglement de la glycémie entrainent une altération de la sensation de soif et de faim. De plus, à partir de 60 ans, les récepteurs gustatifs perdent petit à petit leur efficacité, la perception des saveurs se réduit ainsi davantage avec l’âge[5]. Sans compter que la majorité des produits proposés dans le commerce sont peu variés en termes de goût, ce qui peut entrainer une certaine forme de lassitude alimentaire non négligeable à cette période de la vie. Une problématique bien connue de Ogust Food. La startup a mis au point des sauces enrichies afin de redonner du goût aux repas des patients hospitalisés ou en EPHAD. Gratins, quiches, soupes, viandes, poissons et même en accompagnement, ces sauces prêtes à l’emploi peuvent accompagner tous types de recettes et de menus. Pour le dessert, POFiné propose quant à eux des recettes pensées pour les séniors. En plus de répondre à tous les besoins nutritionnels en termes de protéines, d’oméga 3 et de fibres nécessaires, la gamme de repas se veut aussi gourmande en proposant des produits alliant dessert et pâtissier. POFiné propose 4 saveurs différentes, de quoi varier les plaisirs. Pas encore commercialisés, ces produits devraient arriver sur le marché BtoB d’ici la fin de l’année.

 

 

Après avoir réfléchis à de nouveaux produits, il semble également nécessaire de repenser les usages en termes d’alimentation, que ce soit à domicile comme dans les centres hospitaliers. Les professionnels ne sont pas en restes pour faire face à ces nombreux enjeux alimentaires de la séniorité et c’est dans ce sens, que le Digital Lab de My Chef Is Smart, se propose d’aider les chefs dans la conception de leurs menus et ainsi les adapter aux besoins spécifiques et variés des résidents. En croissant la base de données des fournisseurs aux besoins des convives, la solution propose directement des idées de menus, à la fois variés et nutritifs, tout en accompagnant les restaurateurs dans l’élaboration des recettes. CDiet propose elle, de les accompagner au repérage et à la prise en charge des troubles nutritionnels. Grâce à des formations de sensibilisation, des ateliers collectifs et des prises en charge personnalisées, la startup propose un service clé-en-main pensé pour le bien-être des patients, de l’inclusion à l’évaluation. Pour les seniors vivant à domicile, Saveurs et Vie (société de livraison de repas à domicile) a mis en place une offre Passeport Nutrition Santé. Ce dispositif dédié aux collectivités a pour objectif la détection et la prise en charge de la dénutrition des personnes âgées bénéficiant du service de livraison de repas à domicile. L’offre comprend des consultations régulières avec un diététicien dédié au Centre d’Action Sociale de la ville, des protocoles précis de prise en charge de la personne âgée dénutrie en fonction du statut nutritionnel (normal, à risque, dénutri), une offre alimentaire et des repas spécifiques (plats enrichis en protéines, textures modifiées...) avec une personnalisation des repas livrés très poussée et la coordination des différents acteurs autour de la personne âgée (médecin traitant, CCAS, coordination gérontologique…). Au-delà de l’aspect nutritionnel, ce dispositif apporte également un soutien moral aux bénéficiaires comme aux aidants à domicile, notamment grâce aux visites du diététicien. Un plus non négligeable pour contrer l’isolement social des personnes âgées et pour soulager la charger mentale des proches aidants.

Bien se nourrir questionne également l’accès à l’alimentation. En France 8% des plus de 60 ans sont dépendants et ce chiffre atteint plus de 20% pour les plus de 85 ans[6]. Cette dépendance, souvent liée à une perte de mobilité, empêche notamment de pouvoir faire ses courses par sois même. Si l’on additionne cela avec le fait d’habiter dans une zone rurale ou dans des périphéries urbaines, les contraintes d’accès à une alimentation saine et variée sont d’autant plus grandes. La solution la plus logique semble être la livraison de repas mais si aujourd’hui ces services sont parfaitement rependus dans nos habitudes de consommation, ils semblent encore trop peu adaptés aux contraintes des seniors. Certaines solutions comme GoGoGrandparent tentent d’y remédier en proposant un service de livraison de courses ou de repas (mais aussi de médicaments) dédié aux personnes âgées. Après avoir composé un numéro de téléphone unique, le sénior est pris en charge par un opérateur agréé qui l’accompagnera dans l’organisation de sa commande et de son horaire de livraison. Mais les plats préparés égalent rarement le plaisir d’un repas au restaurant. Chef For Seniors propose ainsi de faire venir de véritables chefs aux domiciles des seniors afin de leur préparer de délicieux repas faits maison directement dans leurs propres cuisines. Le chef s’occupe de la livraison des courses et de la préparation des repas pour la semaine tout en prenant en compte les particularités diététiques des clients. La startup américaine s’engage à ce que le coût du service ne dépasse pas le prix d’une livraison de repas traditionnelle. Depuis sa création, Chefs For Seniors a préparé plus d'un million de repas à travers les États-Unis et compte actuellement plus de 70 franchises dans tout le pays.

 

Nous avons pu le constater, que ce soit avec l’apparition de nouveaux produits alimentaires spécialisés ou la volonté de repenser les usages, de nombreuses solutions innovantes existent. Mais l’alimentation des séniors est un vaste sujet et de nombreuses pistes restent encore à explorer. Outre l’innovation autour des aliments et des process, il est également important d’accompagner les séniors au quotidien vers un mode de vie favorisant un « bien vieillir » global. En plus d’une nutrition saine, cela passe aussi par la pratique d’une activité physique régulière et par la prévention de la santé mentale de l’individu. Plus généralement, nous devons revoir notre regard sur le vieillissement et son environnement. Les politiques publiques et les entreprises doivent repenser la prise en charge de nos ainés en se rapprochant des séniors, identifier leurs besoins et leurs attentes afin de « co-construire » les solutions demain.

 

Retrouvez d’autres éventails de solutions et d’initiatives innovantes en vous abonnant à la Newsletter Vitalité : https://app.mailjet.com/widget/iframe/55Lu/MlB

[1] Diagnostic de la dénutrition chez la personne de 70 ans et plus, HAS, 2021

[2] Etude population personnes âgées horizon 2030, Insee, 2019

[3] Canicule européenne d'août 2003, Wikipedia

[4] La dénutrition de la personne âgée, Cap Retraite

[5] INRAE

[6] Personnes âgées : les chiffres clés, Ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, 2021

Partager sur :

Lire aussi #Bonnes Pratiques

Levée de fonds : retours d’expérience de Nicolas Naigeon, CEO d'Aveine, et Yémi Affogbolo, CEO de Little Gustave

Lors d’un atelier startups organisé chez Smart Food Paris, Nicolas Naigeon, co-fondateur et CEO de la startup incubée Aveine, et Yémi Affogbolo, fondateur et CEO de la startup Alumni Little Gustave, ont partagé avec les dirigeant(e)s d'entreprise leurs 10 clés pour une levée de fonds réussie, ayant à eux deux 4 tours de table bouclés.