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Tous les chemins mènent à la Food Delivery...

#Décryptage

La Food Delivery fait beaucoup parler d’elle. Que nous dit ce secteur florissant des transformations de la logistique dans le domaine alimentaire ?

Ce billet s’inspire de plusieurs conférences et rapports publiés ces derniers mois. Il s’appuie notamment sur l’étude du Digital Food Lab consacrée à la Food Delivery en Europe en 2019, ainsi que sur la soirée annuelle organisée par le Club Agroalia, dont la thématique était « Supply Chain et Foodtech ». L’animation des échanges était assurée par Fabien Esnoult, directeur général de Sprint Project, que je me suis permise de citer pour illustrer mes propos. Je tiens à les remercier pour leurs analyses très éclairantes sur le sujet de la Food Delivery !

Définir la Food Delivery pourrait sembler évident. Littéralement, il s’agit du marché de la livraison alimentaire. Ce qui fait la complexité de ce marché, c’est justement la démultiplication des formes que prend cette activité, mais aussi du type d’acteurs qui y sont mobilisées et de leurs échelles d’intervention. La Food Delivery fait se croiser des entreprises d’ampleur internationale et des initiatives ultra-locales, et contribuent à transformer la logistique, lui conférant une forte valeur servicielle, dont la valeur – et donc le coût ! – reste complexe à définir et à répartir entre les parties prenantes de la supply chain.

Chez Smart Food Paris, on distingue deux catégories relevant de la Food Delivery :

  • La logistique alimentaire du dernier kilomètre en milieu urbain. Elle prend la forme de solutions d’optimisation, de hubs logistiques ou encore de R&D autour de la livraison autonome. Les entreprises qui s’y rattachent identifient les moyens les plus efficaces pour transporter les denrées alimentaires brutes ou transformées, les stocker et/ou les conditionner sans les altérer.
  • La livraison de repas ou de produits, via différents canaux : des plateformes de mutualisation de l’offre de restauration ; des kits de repas à cuisiner ; des cuisines spécialisées dans la préparation de commandes à livrer – souvent appelées cloud kitchen ; des box ou des abonnements ; des marketplaces spécialisées dans la commercialisation de produits bruts ou transformés... La logistique est un pivot central de ces activités et un levier pour leur développement, sans forcément y être un champ d’innovation privilégié.

Ces deux catégories ont des enjeux en commun. Ainsi, dans les activités de livraison, la logistique est notamment appréhendée en fonction de son potentiel d’optimisation des circuits et de sa capacité à augmenter la qualité des services de livraison. Mais les contraintes inhérentes à la logistique façonnent également les trajectoires des entreprises de livraison, ainsi que le tissu économique et urbain dans lequel elles s’insèrent. Dans ce billet, nous nous focaliserons sur le contexte français et européen, qui présente des spécificités particulièrement intéressantes de ce point de vue. 

Un boom de la Food Delivery porté par le digital

Le marché des plateformes de livraison de produits alimentaires, et en particulier de repas, a connu un boom depuis 2010. Pour autant dès les années 2000 certaines entreprises ont conçu des sites internet qui permettaient de visualiser l’offre de plusieurs restaurants et de prendre commande pour retirer son repas sur place, ou se le faire livrer à domicile grâce à une flotte de livreurs embauchés par chaque point de vente. En Europe, les premières entreprises à développer ce modèle ont été Takeaway.com au Danemark, Allo Resto en France, Just Eat au Royaume-Uni. La livraison de repas chauds à domicile reste l’un des principaux modèles de Food Delivery, quand bien même il concentre le plus de contraintes.  Ce type de commande implique que les plats soient expédiés quasi instantanément après leur préparation, tout en respectant des règles d’hygiènes beaucoup plus strictes que sur d’autres produits non alimentaires. S’ils sont livrés à domicile, cela implique des frais de transport à l’unité particulièrement élevés, car les possibilités de mutualisation sont faibles – l’offre et la demande étant toutes les deux éclatées – et que le tissu urbain dense ne permet que des optimisations marginales des trajets et des vitesses. La livraison de repas à domicile est donc exemplaire d’un modèle dans lequel la coordination entre les cuisines et les services de livraison doit être maximale.

La généralisation des smartphones dans les années 2010 a ouvert des perspectives d’optimisation de cette coordination. À partir de cette période, de très nombreuses startups ont investi le marché de la livraison, en proposant des plateformes en ligne qui centralisent l’offre et proposent également la prise en charge de la livraison par des coursiers — le plus souvent indépendants, quelquefois salariés. Aujourd’hui, parmi les leaders de ce marché en Europe on retrouve des vétérans comme Takeaway.com ou Just Eat — qui a racheté Alloresto en 2018 — mais également des acteurs plus récents comme Delivery Hero, Deliveroo, Uber Eats ou encore Glovo. Tous sont dans une démarche de diversification de leurs activités à travers une double intégration, verticale et horizontale. C’est le constat qui a été fait par le Digital Food Lab, bureau d’étude spécialisé dans l’innovation alimentaire et qui a publié début octobre un rapport consacré au secteur de la Food Delivery : « les consommateurs ont manifesté beaucoup d’intérêt pour toutes ces nouvelles offres. Mais ils ne veulent pas s’en tenir à un seul type de modèle, ils veulent une combinaison de tous (et évidemment, chaque consommateur a besoin de sa propre combinaison). Cela explique pourquoi les startups de livraison de la ferme à la maison mettent maintenant des kits de repas dans leurs assortiments et pourquoi les startups de livraison de restaurants (comme Deliveroo) s’orientent aujourd’hui vers l’approvisionnement des restaurateurs.»[synthèse complète à retrouver ici].

L’intégration horizontale désigne le développement d’une offre plus diversifiée de produits. Au-delà des plats déjà cuisinés, Frichti livre par exemple des kits de préparation de repas, reprenant ainsi le modèle d’entreprises qui se sont spécialisées dans ce type d’offre, comme QuiToque. La livraison de produits bruts ou d’épicerie fait également partie de ce processus de diversification et certaines entreprises créent même des entrepôts dédiés à la livraison à domicile, tels que les Superglovo de Glovo à Madrid et Barcelone.

L’intégration verticale, que l’on peut aussi appeler full stack, renvoie quant à elle à la prise en charge d’étapes nouvelles entre la production et la distribution. Les cuisines dédiées à la préparation de repas à emporter, qui ne proposent pas de service en salles, font partie des champs d’innovation qui retiennent l’attention depuis quelques mois. Appelées dark kitchen, cloud kitchen ou cuisines fantômes, ces espaces permettent de confectionner des plats qui sont ensuite référencés et livrés par les plateformes de livraison. Certaines de ces cuisines sont directement développées par lesdites plateformes : c’est par exemple le cas de Frichti et de Deliveroo. Mais il existe aussi des startups spécialisées qui conçoivent et assurent la gestion de cuisines en développant différentes marques. En France, Taster héberge trois restaurants virtuels : Out Fry pour la cuisine coréenne, Oke Kai pour des spécialités hawaïennes et Mission Saigon pour les recettes vietnamiennes. Ces dernières sont référencées sur plusieurs plateformes de livraison et leurs recettes sont adaptées aux contraintes de livraisons. Enfin, certaines cuisines se situent entre ces deux modèles : en France, la startup Dark Kitchen ne livre ses repas que via Uber Eats. Quels que soient ces différents modes de structuration, les Cloud Kitchen constituent des réponses très concrètes aux enjeux de mutualisation de l’offre auxquels ont été confrontées les plateformes de livraison : elles permettent en effet de rassembler une offre autrefois éclatée et de la localiser au plus près des zones de chalandise les plus dynamiques. Ce faisant, il est plus évident d’assurer des livraisons groupées, d’autant plus que les recettes sont élaborées dans la perspective des transports qu’ils auront à subir.

Entre intégration et spécialisation, des modèles émergents de Food Delivery

Les plateformes de livraison instantanée, qui occupent une place importante sur le marché, n’épuisent pas les champs d’innovation dans le domaine de la livraison alimentaire. Chez Smart Food Paris, nous avons observé deux tendances qui s’en démarquent sur plusieurs points.

Premièrement, le développement de startups qui se spécialisent sur certaines cibles bien précises. Deux startups de la promo 2019 de Smart Food Paris, Elmut et Little Gustave illustrent bien ce processus. Les premiers proposent des plats sur mesure pour les animaux de compagnie, les seconds des petits pots bio et de saisons adaptés aux stades de croissance des bébés et à la diversification progressive de leurs goûts. Cette spécialisation permet d’adapter l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de production et de livraison à des besoins spécifiques, qui ne sont pas appréhendés directement par les entreprises généralistes.

Deuxièmement, la diversification géographique de la Food Delivery. Des startups comme Famileat, qui propose des plats aux formats familiaux livrés dans toute la France, ont été développées pour pallier la spécialisation territoriale des principales plateformes de livraison : « Dès le début, ça a été très important pour nous de proposer une solution qui soit accessible dans tout l’hexagone. Les solutions de livraisons sont généralement cantonnées aux grandes villes et il y a peu d’alternatives pour les personnes qui résident dans des villes moyennes ou en périphérie, alors même que ce sont généralement celles qui en ont le plus besoin. » (Extrait du portrait de Famileat sur notre site). Certaines entreprises ont donc construit des modèles plus adaptés aux espaces périphériques, en proposant des systèmes d’abonnement et de précommande. Avec 11 000 déjeuners livrés par jour dans 300 villes et 5 000 entreprises en France en octobre 2019, DejBox est exemplaire de cette démarche. La PME s’est démarquée en se concentrant sur les repas du midi pris par des salariés dont les entreprises se situent à l’écart des centres urbains. Cette démarche ouvre le marché à des pratiques très diverses, qui s’adaptent à des contraintes distinctes de la livraison instantanée dans les villes grandes ou moyennes. La startup Prune, par exemple, propose des recettes bistronomiques dans des bocaux en verre : les recettes, modes de cuisson etc. sont adaptés à ce contenant spécifique, qui peut maintenir les propriétés gustatives des aliments même dans le cadre d’une livraison froide.

Une logistique alimentaire calibrée pour la concentration de capitaux

La Food Delivery, en particulier lorsqu’elle est réalisée de manière instantanée — soit des livraisons assurées jusqu’à 20 minutes après la préparation des plats — concentre les attentes des investisseurs. Entre 2014 et 2018, le Digital Food Lab a calculé que 80 % des montants investis dans la Food Tech en Europe l’avaient été en direction de startups développant des solutions de livraison ou de distribution. Mais si l’on enlève les levées de fonds réalisées successivement par Delivery Hero — 387 millions d’euros en 2017, Deliveroo — 570 millions entre 2016 et 2017 — et HelloFresh — 85 millions en 2017, ce pourcentage chute à 39 %. Cette concentration s’explique assez bien : le nerf de la guerre, dans les activités de livraison et plus largement de logistique, c’est la capacité à atteindre des volumes suffisants pour rentabiliser des activités qui sont très couteuses en temps, en matériel et en force de travail. Comme nous l’expliquions dans un précédent article, la logistique est une science dont l’objectif est d’optimiser la circulation des flux de matériaux et d’informations et d’assurer l’articulation entre chacun des points de rupture entre leur production et leur consommation.

Pour les acteurs de la Food Delivery, l’optimisation est assurée notamment par l’acquisition de clients aux deux extrémités de cette chaîne : d’un côté, il faut fidéliser suffisamment de consommateurs pour optimiser les courses et les circuits de livraisons réalisés par les coursiers et/ou être concurrentiel en termes de visibilité auprès des restaurateurs ; de l’autre, pour attirer ces clients, il est précieux d’avoir l’offre la plus complète possible, ou de bénéficier de partenariat avec des enseignes de restauration qui agissent comme des locomotives. Dans ce contexte, les fusions et les rachats sont légion et en Europe les leaders du secteur progressent d’un pays à l’autre en rachetant de plus petits concurrents. Dans un article très documenté, le site Sifted (média spécialisé dans l’innovation et l’entrepreneuriat en Europe) a réalisé un recensement et une cartographie de ces processus : depuis sa création en 1999, Takeaway.com a racheté ou fusionné avec 19 concurrents avant de chercher en juillet dernier à fusionner avec l’anglais Just Eat, qui a lui-même absorbé 28 entreprises entre 2001 et 2019. Certains de ces poids lourds rachètent également les activités nationales de leurs principaux concurrents, ce qui crée une répartition géographique de plus en plus claire au cours du temps. Deliveroo et Uber Eats se sont par exemple spécialisés sur les marchés d’Europe de l’Ouest, tandis que Delivery Hero s’est concentré sur l’Est, notamment en cédant une partie de ses activités en Allemagne, France, Italie et aux Pays-Bas. Il s’agit d’une spécificité européenne : en Chine, en Inde, au Brésil ou aux États-Unis, les entreprises de Food Delivery ont généralement une croissance plus rapide et étendue spatialement, notamment parce qu’ils touchent des marchés nationaux beaucoup plus vastes, dans lesquels les contraintes réglementaires comme les pratiques de consommation sont plus homogènes qu’en Europe.

Articuler enjeux mondiaux et maillage local

Ce qui est intéressant avec ce processus, c’est que ces rachats permettent aux plus grosses entreprises de s’appuyer sur les maillages de distribution constitués progressivement par des acteurs locaux. En d’autres termes, si les plateformes de livraison sont clairement dans un marché de type «Winner Takes all», elles ne peuvent pas pour autant s’affranchir d’un ancrage fort dans les territoires où elles exercent. C’est d’autant plus le cas que les réglementations liées à la circulation et à la livraison sont généralement définies à l’échelle municipale, en France du moins, et que les promesses de livraison instantanées doivent s’appuyer sur une connaissance fine du tissu urbain et de ses spécificités. C’est en tout cas le constat qui a été fait par Fabien Esnoult, le fondateur de Sprint Project, cabinet d’étude et de veille des tendances dans le secteur de la logistique. Lors de la Soirée annuelle d’Agroalia – le club de la CCI Île-de-France destinée aux entreprises du secteur agroalimentaire – consacrée cette année aux enjeux de supply chain dans la FoodTech, ce dernier a résumé les défis de la supply chain comme suit : «Le combat de la supply chain se jouera dans les villes, à l’échelle mondiale. […] Cela signifie qu’il faut développer des microsolutions locales, duplicables à l’échelle mondiale». Pour les startups engagées dans ce marché, cela signifie qu’il existe un vivier presque infini de contextes et de problématiques autour desquelles la logistique peut intervenir. Mais, en contrepartie, la question de la montée à l’échelle acquière une complexité supplémentaire. En effet, si la rentabilité des services de livraison en B2C repose sur la concentration des flux, elle s’appuie aussi essentiellement sur la capacité à comprendre des demandes et des contextes locaux, puis à passer à l’échelle en maintenant cette capacité d’adaptation.

Il s’agit d’un défi récurrent, observé aussi bien dans les startups spécialisées dans la livraison de produits alimentaires, que pour certaines dans lesquelles la logistique est une fonction support. Avec le Rolling Lab, la plateforme de Paris&Co spécialisée dans les mobilités, nous avons organisé tout au long de l’année des ateliers consacrés aux enjeux de logistique du dernier kilomètre, dans lesquels des entreprises du secteur de l’innovation alimentaire et d’autres spécialisées dans la logistique étaient invitées à échanger sur leurs expériences et leurs problématiques respectives. L’un des principaux enseignements de ces ateliers réside dans une conclusion simple, mais dont les conséquences sont majeures : la logistique est un métier à part entière. Derrière cette affirmation, il y a évidemment les enjeux associés à la montée à l’échelle du point de vue technique : à partir d’un certain volume, il n’est plus possible d’assurer soi-même le stockage, la préparation de commande et la livraison. Il devient alors nécessaire, soit de faire appel à des sous-traitants du secteur logistique, soit de se professionnaliser dans cette activité, ce qui peut impliquer de faire évoluer sa proposition de valeur.

Mais au-delà de ce choix stratégique, l’affirmation de la logistique du dernier kilomètre comme un métier à part entière révèle aussi une innovation d’usage dans ce secteur, qui a été au cœur des échanges entre les startups de Smart Food Paris et du Rolling Lab. Le développement des offres de livraison sur mesure à destination du consommateur a contribué à en faire un service à part entière et une vitrine de l’entreprise auprès du consommateur. Auparavant, une large partie des activités étaient déployées en B2B, ce qui ne correspond pas aux mêmes attentes ni aux mêmes formes d’interactions entre les prestataires logistiques et leurs clients. Dorénavant, la valeur perçue par les consommateurs finaux à la réception de leurs repas ou de leurs courses alimentaires se construit aussi – voire surtout dans le cas de la livraison chaude – autour de sa livraison. La qualité de service qui y est associée devient donc un critère central pour la compétitivité de l’entreprise. Cela pose la question des modes d’évaluation – un client peut préférer connaître précisément l’heure de livraison de son produit, plutôt que de l’avoir rapidement, mais cela dépend forcément du type de produit qu’il commande. Cela interroge aussi sur la valeur que l’on peut conférer aux services logistiques, dans un contexte où cette dernière a longtemps été un coût relativement invisibilisé auprès du client final. La montée à l’échelle, indispensable à la réussite technique de la logistique, doit donc assurer le maintien d’une qualité de service identique, puisqu’elle est souvent de la proposition de valeur des plateformes de livraison.

La Food Delivery, une logistique pas tout à fait comme les autres

Cette pression se répercute aussi sur les activités qui, sans être spécialisées dans ce secteur, y ont recours pour acheminer leurs produits directement aux consommateurs. Le développement croissant des attentes contribue dans ce cadre à structurer l’action d’intermédiaires spécialisés dans la livraison du dernier kilomètre. Certains gèrent des flottes de transporteurs spécialisés dans les derniers kilomètres — c’est le cas de TonCarton, startup incubée au Rolling Lab. Le jeu d’acteurs impliqués dans ces transformations est particulier, puisque l’on croise autour de ces questions logistiques aussi bien des structures nouvelles, comme B.Moville, une startup qui en plus de ses services de livraison en triporteur propose des petits espaces de stockage mutualisés à Paris, que des entreprises ou institutions historiques qui sont progressivement contraintes d’adapter leurs modèles. Le réseau Urby, porté par le Groupe La Poste, en est un exemple. Déployé en périphérie des grandes villes, ce réseau s’appuie sur des partenariats avec des acteurs nationaux – comme la Caisse des Dépôts et consignations – et locaux pour développer des infrastructures et des services destinés à mutualiser les flux de marchandises en centre urbain.

Si elles intègrent plusieurs des enjeux auxquels est confrontée la Food Delivery, ces solutions ne sont pas spécifiques au secteur alimentaire et sont plus globalement une réponse à la très forte croissance des flux de marchandises entrant en ville à destination de particuliers. Pour autant elles permettent de voir combien les transformations dans les pratiques de consommation influent sur l’aménagement urbain. C’est une dimension que l’on retrouve aussi dans le secteur alimentaire où le développement des plateformes de livraison et notamment les investissements fonciers dans les cloud kitchen posent la question de l’évolution du paysage de la restauration dans les centres urbains denses, mais aussi de la transformation des métiers de bouche qui y sont associés et en particulier celui de restaurateur. Plus largement, le développement des plateformes de livraison s’appuie, dans le cas de nombreuses entreprises, sur le recours à des livreurs dont le statut d’autoentrepreneur crée aujourd'hui de nombreux débats. Leurs conditions de travail sont remises en question et la mise en place de réglementations pour préciser ce cadre d’activité aujourd'hui assez flou pourrait bouleverser le modèle économique d’une partie des plateformes de livraison instantanée.

En répondant à certaines attentes de consommation, la Food Delivery contribue donc, en lien avec d’autres secteurs concernés par le déploiement de solutions de livraisons du dernier kilomètre, à transformer les pratiques à toutes les étapes de la logistique, jusqu’à interroger les fondements de cette discipline. Ce marché est également traversé par des questionnements qui sont communs à tout le système alimentaire. Ils interrogent sa durabilité environnementale, économique, sociale, mais aussi sanitaire et la digitalisation de la distribution dans son ensemble cherche notamment à y apporter des réponses. Affaire à suivre dans un prochain billet !

Bibliographie:

Aguilera Anne, Dablanc Laetitia, Rallet Alain, 2018, « L’envers et l’endroit des plateformes de livraison instantanée », Revue Réseaux, vol. 212 n°6, pp. 23-49

Buyse Nicolas, 2019, « Dejbox se déploie à Nantes et à Grenoble », Les Echos

Culoz Axel, Dablanc Laetitia, Savy Michel et. al., 2017, Des marchandises dans la ville. Un enjeu social, environnemental et économique majeur, ed. Terra Nova

Digital Food Lab, 2019, Foodtech Delivery in 2019

Lewin Amy, 2019, « The food delivery startups, compared », Sifted

Lewin Amy, 2019, « Food delivery firms cause kitchen chaos », Sifted

Singh Sarwant, 2019, “The Soon To Be $200B Online Food Delivery Is Rapidly Changing The Global Food Industry”, Forbes

Morel Sandrine, Leclerc Aline, 2018, « Pour la première fois en Europe, un livreur Deliveroo voit son contrat de requalifié en contrat de travail salarié », Le Monde  

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